Dans Rodéo, premier long métrage de Joëlle Desjardins Paquette qui prend l’affiche vendredi, Maxime Le Flaguais incarne Serge, un camionneur qui partage avec sa fille sa passion pour les courses de camions lourds. Quand l’entente concernant la garde de l’enfant se met à battre de l’aile, il amène avec lui la jeune Lily, neuf ans, dans un long périple à travers le Canada.
«J’ai lu le scénario et j’ai pleuré à la fin», raconte Maxime Le Flaguais en entrevue avec Métro, quelques jours avant la sortie du film en salle. «Je me suis dit que c’est rare que ça arrive, donc c’est vraiment quelque chose de fort.»
Le mot est juste. Parce que le long métrage aborde toute l’étendue de l’amour paternel par le prisme d’un kidnapping, parce que l’immensité du paysage canadien est juxtaposée à ses routes et ses plus piteuses stations-services, parce que le film est propulsé par une sorte de poésie mécanique, parce que les interprètes sont d’une justesse déstabilisante, Rodéo est fort, effectivement.
Lilou Roy-Lanouette n’a que 12 ans et on peut déjà parler d’une grande actrice. Elle crève l’écran, c’est évident, mais elle fait également preuve d’une touchante maturité. Sa performance – qui a été remarquée au Festival du film de Whistler, où elle a reçu une mention d’honneur – n’a d’égal que sa complicité avec celui qui joue son père.
Cette chimie est en partie le fruit du hasard – dès leur première rencontre, Maxime et Lilou riaient ensemble et se taquinaient. Mais c’est aussi grâce à la réalisatrice, qui a organisé des activités «familiales» (pensez pizza et minigolf) avant les tournages afin qu’elle et ses deux interprètes développent une proximité qui perce l’écran.
Joëlle Desjardins Paquette avait découvert Lilou dans Jouliks et a tout de suite pensé à elle pour le rôle. «J’ai rarement vu une enfant aussi authentique. J’ai trouvé qu’il y avait une sensibilité dans son regard», confie à Métro celle qui a reçu le Borsos de la meilleure réalisation et le prix du meilleur long métrage réalisé par une femme remis par l’Alliance of Women Film Journalists.
Mais Maxime et Lilou n’ont pas eu que des scènes heureuses à jouer, au contraire. Dans Rodéo, la fillette, qui pense se rendre à une course de camions en Alberta, finit par mettre en doute la pertinence du voyage et par s’ennuyer de sa mère (jouée par Whitney Lafleur), ce qui déclenche des conflits avec un Serge en pleine fuite.
«Je pense que plus tu es proche, plus tu es complice, plus une scène de déchirure est facile à jouer, parce qu’il faut qu’on croie que ça fait mal», analyse l’acteur de 39 ans. «J’étais déjà père de famille, rappelle celui qui a une enfant de quatre ans. Je ne me sentais pas imposteur, parce que je sais comment aimer ma fille.»
Ne restait plus donc à Maxime Le Flaguais qu’à apprendre à conduire un camion, élément principal de son rôle ex æquo avec la paternité. Le véhicule prend tant une place cruciale dans Rodéo qu’il devient en quelque sorte un personnage en soi.
Joëlle Desjardins Paquette, qui a coscénarisé son film avec Sarah Lévesque, connaît bien ce monde de 18-roues, de rodéos de trucks (un mélange de courses et de parades) et autres compétences mécaniques qui échappent au commun des mortels. C’est que son père est pratiquement une vedette du milieu, le récent retraité ayant tenu pendant 50 ans un concessionnaire Kenworth.
«Il m’amenait aux rodéos, se souvient la réalisatrice. On allait chercher un camion de l’année chez le concessionnaire, je m’installais dans la couchette arrière avec mes jouets et on allait passer le week-end au rodéo.»
Juste au Québec, il y a une vingtaine d’événements du genre chaque été (une information à glisser lors d’une soirée dans une buvette à la mode de la métropole si vous voulez surprendre votre tablée avec un fait inusité). C’est à l’un d’eux que l’équipe s’est rendue pour tourner une scène, histoire de profiter des moteurs et du carburant des camionneur.euse.s en compétition. D’ailleurs, la production a acheté des crédits de carbone pour compenser ses émissions, qui étaient inévitables avec un tel projet.
Au-delà de cet amour pour le véhicule qui unit les camionneur.euse.s passionné.e.s, il y a l’admiration de Joëlle Desjardins Paquette pour la profession.
«C’est un métier de gens qui sont passionnés, qui sont fiers de faire ça et qui sont essentiels, croit-elle. Mais il y a des défis, surtout par rapport aux relations familiales. Ce sont des parents qui ne voient pas leurs enfants aussi souvent qu’ils le voudraient. Oui, il y a une certaine forme de liberté puis de poésie sur la route, mais il y a aussi cette distance. C’est un métier honorable.»