«Une langue universelle»: Comme des sœurs

Un article à le dans Le Devoir

Pour son film Une langue universelle (2024), le réalisateur Matthew Rankin s’est inspiré d’un épisode réel vécu par sa grand-mère en 1931 pour raconter l’histoire de deux enfants qui tombent sur un billet de banque emprisonné dans la glace.

Originaire du Manitoba, le cinéaste a l’habitude de travailler avec des distributions décalées, notamment en « dé-genrant » ses rôles ou en travaillant avec des comédiens amateurs. Dans son dernier film, où Winnipeg est partiellement « iranisée », le défi était de dénicher une distribution presque entièrement issue de la communauté iranienne — un défi relativement facile pour le réalisateur, qui parle persan et qui est très proche de cette communauté.

Une première expérience au grand écran

Rojina Esmaeili et Saba Vahedyousefi, âgées respectivement de 13 ans et 15 ans, offrent une prestation éblouissante dans Une langue universelle. Nées en Iran, elles sont toutes deux arrivées à Montréal durant leur enfance. Bien que la communauté persane à Montréal soit relativement petite, les deux comédiennes ne se connaissaient pas avant de se rencontrer en audition. Leur chimie a si bien opéré en audition que le réalisateur a décidé de féminiser le rôle du grand frère pour qu’elles puissent incarner deux sœurs dans le film.

Pour Saba, dont c’était également le premier film, le fait qu’Une langue universelle ait eu un parcours si exceptionnel en festival dépasse de loin ses attentes. « Il y a beaucoup d’acteurs qui vont faire plusieurs films dans leur vie et qui n’auront jamais l’occasion de connaître un tel succès mondialement. C’est très précieux pour moi que le premier projet sérieux que j’ai fait ait une telle popularité. » Elles ont déjà voyagé beaucoup avec le film, notamment lors d’une tournée à France, qui les a amenées à Cannes. Rappelons qu’Une langue universelle avait été sélectionné pour représenter le Canada aux Oscar pour le meilleur film international.

Lors de leur audition, où elles devaient reproduire la scène où les personnages trouvent un billet de banque dans la glace, le réalisateur leur a demandé d’imaginer la suite du film. Cette audition serait annonciatrice de la suite du processus, car les actrices ont pu, durant le tournage, improviser et jouir d’une certaine liberté. « J’ai adoré travailler avec Matthew pour un premier projet sérieux, car il est très calme et relax. On a changé certaines lignes et il nous encourageait à faire preuve de créativité. Il est très ouvert d’esprit. Tout le monde, tous les gens du film ont mis un peu d’eux-mêmes dans l’œuvre », raconte Saba

Que Matthew Rankin connaisse à ce point la communauté perse fascine les deux comédiennes. « Je ne connaissais pas beaucoup de gens de la communauté iranienne sur le plateau, mais Matthew connaissait tout le monde. Pour moi, c’était très étrange », s’esclaffe Rojina. Elles s’étonnent qu’un réalisateur d’origine winnipegoise se penche sur leur culture. « Je suis contente de voir qu’une personne qui ne vient pas d’Iran s’intéresse à la culture iranienne », ajoute-t-elle. La sortie du film est une fierté pour les deux comédiennes, qui voient pour une rare fois leur culture briller dans un film québécois : « Il y a probablement plusieurs personnes qui ont découvert notre culture grâce à ce film. Il y a vraiment un sentiment de fierté qui nous habite », d’après Saba.

Une comédie singulière

Dans une des scènes les plus loufoques et drôles, Negin et Nazgol se rendent chez un boucher de dinde pour lui emprunter une hache. « J’essayais de ne pas rire pendant le tournage de cette scène, où le personnage du boucher avance tranquillement vers nous. Il y avait des photos de dinde partout sur les murs. »

Les motifs sont nombreux dans cette œuvre méticuleuse, furieusement engagée dans son sujet jusqu’à la fin. Les métaphores se tissent, mais sans surplomber l’œuvre d’un regard politique ou critique. Les jeunes actrices décrivent Une langue universelle comme un film sur l’amitié et sur le croisement entre deux cultures très éloignées, la canadienne et l’iranienne, qui en viennent pourtant à se ressembler. « Il n’y a pas de temps ni de lieu. Il n’y a pas d’horloge. Je n’ai jamais vu un film comme celui-là, qui croise de cette manière deux cultures », remarque Rojina.

Et pour la suite ? « J’aimerais tourner encore. On se retrouve dans chaque personnage que l’on joue et j’aimerais revivre ce sentiment avec un nouveau personnage », confie Rojina. Saba, qui espère faire des études en droit, aimerait aussi continuer à faire carrière comme actrice. Elle a d’ailleurs obtenu un rôle principal dans un deuxième film, une chance qu’elle n’aurait pas eue sans l’aide de Matthew Rankin, explique-t-elle.

Une langue universelle prend l’affiche le 31 janvier.

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